Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sfax
– Département de philosophie –
Qu’appelle-t-on ligne de fuite ? Ceux qui connaissent le corpus deleuzien, savent
sûrement la répartition tripartite des lignes opérée par Deleuze. Ligne nomade ou ligne
de gravité, de célérité, de fuite, d’erre ou de ruptures ; ligne migrante, moléculaire,
souple ou de fêlure ; ligne sédentaire, segmentaire, coutumière ou de coupures1. A ces
lignes correspondent les mouvements de déterritorialisation, reterritorialisation,
territorialisation ou de décodage, de recodage et de codage. Le ce-en vue-de-quoi nous
évoquons cette répartition et le cadre limité de notre intervention nous obligent de ne
porter notre attention qu’à la ligne de fuite et au mouvement de décodage, même si les
lignes comme les mouvements sont immanents, emmêlés et enchevêtrés. Chercher des
lignes de fuite et des mouvements de décodage dans la philosophie de Maurice
Merleau-Ponty, c’est tout d’abord chercher le nomade, l’errant, le multiple dans cette
oeuvre autant que la fuite des codes par tous les bouts. « Décoder n’est pas simplement
déchiffrer les codes anciens, présents ou à venir…mais faire passer quelque chose qui
ne soit pas codable, brouiller tous les codes »2. L’oeuvre merleau-pontienne permet-elle
une telle fuite et un tel décodage ? A en croire Deleuze, « la phénoménologie est trop
pacifiante, elle a béni trop de choses »3. Il va de soi que, l’oeuvre merleau-pontienne,
mesurée à l’aune de la phénoménologie, ne fait pas d’exception. Elle demeure
prisonnière de la représentation, de la transcendance, et somme toute de la philosophie
du sujet. Et même si elle a essayé de penser la chair, le pli, le brut et le sauvage, elle n’a
pas pu investir réellement « la doublure, qui transforme toute ontologie »4.