CITOYENNETE VERSUS HUMANITE ?
Le démembrement des « mœurs »
Il ne s’agit pas ici d’opposer un réalisme supposé froid, « égoïste », fermé, de la citoyenneté dite « nationale » donc systématiquement « rétrograde » à un romantisme nécessairement chaud au sens sympathique, humain, ouvert « universel » de cette autre citoyenneté dite « mondiale » et donc « progressiste » ; d’autant que cette dichotomie et sa sophistique squelettique bégaye en pis, plus qu’elle ne le poursuit en mieux, le débat grec et romain entre Citoyens et Métèques ; et, plus loin encore, ancré dans le paléolithique nomade des bandes, celui aussi du « droit des gens »[1].
Par ailleurs, et ce sera la thèse défendue ici, il s’avère, a contrario, que la césure judéo-chrétienne dans laquelle « nous » sommes foncièrement encore, refuse tout cet esclavagisme qui sous-tend cette fausse « citoyenneté mondiale » s’opposant à la citoyenneté nationale. C’est un esclavagisme, nouveau certes, mais qui revient pourtant et à bride abattue puisqu’il sous-tend en réalité toute cette opposition simpliste, cette progression négativiste, ce « principe de grandeur négative » portant en-deçà des dites Lumières, vers l’Obscur : anathèmes en guise d’argumentation, élaborés à partir de sortilèges concoctés avec des mots sulfureux : « complotisme, racisme, libéralisme, extrême droite »….forçant le locuteur à en devenir absolument non adepte, un double-bind ou injonction paradoxale s’injectant ainsi du transi, du soumis, sous peine d’exclusion sociale et donc morale, ou sadomasochisme éthique.
Car, qu’il s’agisse, pour être prosaïquement concret, de ce que fut ce coût humain propre à la construction de la coupe du monde de football au Qatar, mais « néantisé », mise sous anesthésie onusienne[2], ou encore de ce vide sociopolitique abyssal maquillant les transferts mondiaux de « réfugiés » portant en eux tout un univers symbolique aspirant justement à être et à ne pas seulement « exister » en ces « flux » démembrés de bras de ventres de sexes, tout ce silence sur « les désillusions du progrès »[3] et tout ce constat sur la réduction scientiste affairiste des « échanges » en flux de « particules élémentaires » alimente alors, à l’encontre des populations qui ne veulent pas subir le même sort esclavagiste, la formule grandiloquente de « racisme systémique » ce sortilège obscur provenant de la part même de ceux qui cautionnent ce démembrement tout en prétendant le combattre en transformant les pays dits d’accueil en « territoires » sans lieux-dits, sans histoire, en « terre vierge » ou un Colombisme à rebours (un « 1492 Project » en référence au 1619 Project).
Or, ce sont autant de coups de boutoirs anthropologiques réhabilitant en fait « l’esclave », mais voilé dans la plasticité « économique », « démographique », et « onirique » d’un orientalisme des « mœurs » ; le tout à l’ombre esthétique des alcôves en fleurs poussant dans les musées cercueils de « la » culture transformée en folklore drugstore standardisé à la façon de vaisseaux spatiaux extraterrestres ; l’humain ne devant plus habiter la Terre, mais la louer comme ce présent d’un instant toujours volage.
En régressant ainsi de la « question sociale » à la « question sexuelle » (au sens cybernétique désormais)[4] surtout surplombée par ce retour à la « question raciale »[5] fleurant bon son néo-nazisme[6] et dans lesquels l’universalité de la « personne », à la fois humaine et citoyenne, est abolie (contre le « partage culturel »[7]) et se trouve réduit au seul care cher au Foucaldisme; ce qui fait que cette pseudo « intersectionnalité » (race genre classe) devient l’écartèlement nouveau propre à un attachement en double contrainte celle de la « Roue »[8] charriant le Nouveau Moyen-âge cybernétique.
C’est alors une régression, contrôlée, qui se traduit par l’éternel retour en effet sournois vers l’Obscur et ses prophètes du démembrement[9] : celui d’une remise en cause brutale des acquis civilisationnels atteints au sein même des mœurs, comme le retour non-dit de la polygamie, y compris dans sa « comédie » teintée de donjuanisme sous cellophane et de toute cette tartufferie hypocrite du marché des corps sous éros incestueux avoué dans le gras-double des ricanements osseux au creux des nouveaux corps de garde de la littérature officielle[10] encensant les relations humaines fragilisées (et revendiquées comme tel : le « fragile » plutôt que le solide clame la Biennale 2022 de l’Art contemporain à Lyon en écho « intersectionnel » avec la « fragilité blanche ») étiquetant ses cliquetis par une morale toute suintante d’Humanité « racisée » sinon Rien scandant « en même temps » un « devenez ce que vous voulez » à hue et à dia alors que l’on ne peut guère devenir si l’on n’est (nait) pas venu déjà….
Aussi, contrairement à ce que prétend aujourd’hui la Vulgate antinationale, c’est-à-dire anti-citoyenne donc régressive dans les faits, l’on peut être fortement attaché au statut politique acquis de Citoyen en vue d’être reconnu par et dans son appartenance (Politeia) et cherchant pour faire à préserver ses frontières au limes singulier (Polis) ; tout en innovant dans « la liberté, l’égalité, la fraternité » entre pairs ; forgeant ainsi des acquis nouveaux en la matière, à la fois formels et symboliques, permettant ainsi un affinement concrétisé en permanence des droits naturels liés au statut morphologique singulier d’Humain (et aussi d’animal, de végétal, minéral[11]…). C’est ce qui élève au-delà des inégalités d’origine et de milieu comme l’a théorisé Liah Greenfield[12]; permettant ainsi d’être en position optimum en vue d’affiner les institutions mondiales, et non pas seulement exister sur le strapontin de l’Histoire cosmologique ; tout en ne confondant pas bonne gouvernance et gouvernement mondial, comme il est de coutume aujourd’hui.
Mais cette articulation, conflictuelle, entre citoyenneté et humanité, pour qu’elle soit en effet rendue possible, impliquerait que soit exigé de la part de toute une nouvelle Communauté Internationale des États Citoyens (l’ONU étant en état critique absolu ainsi que nombre d’institutions mondiales dont l’UE[13]) le fait qu’en la matière ils se mobilisent tous et non pas seulement quelques-uns (en Méditerranée par exemple ces temps-ci avec les nouveaux « boat-people ») afin qu’au moins l’« on » ne culpabilise pas toujours les mêmes ; surtout au nom d’un passé qui ne passe pas, que l’on refuse de faire passer, de « dépasser » (Aufhebung) oubliant ainsi d’avance que l’idée pavée de bonnes intentions, celle de « bonne gouvernance », devrait concerner non seulement également mais bien en premier lieu toutes ces « polities »[14] si corrompues que leurs populations aguerries s’empressent désormais de les quitter au plus vite, dans ce silence assourdissant d’élites avides de les démembrer en ventres bras courbes séduisantes afin de redresser d’autres courbes plus démographiques et socio-économiques béances fades d’une globalisation de plus en plus ratée, y compris en Californie, ses habitants s’enfuyant en Floride à l’air moralement et éthiquement plus respirable….
Aussi, au lieu de cette régression vers ce nouvel Obscur (sans Imaginaire le corps réduit à sa matière ou à sa couleur) une nouvelle définition de la Lumière, ou nouvelle Optique Symbolique, impliquerait de reconsidérer à la fois localement (citoyenneté) et mondialement (au niveau des instances internationales) les responsabilités éthiques (les vertus) ET morales (les mœurs) au sens d’articuler morale et éthique au niveau non seulement local de la Citoyenneté mais mondial de l’Universalité souhaitable et non pas imposée en pseudo durabilité ou soutenabilité.
Si, en effet, sont repérables universellement des valeurs mesurables objectivement (éthique des vertus) qui imprègnent également quoique conflictuellement les coutumes et habitudes acquises (morale ou mœurs) de tous, cela veut surtout dire que ces dernières se modifient selon l’affinement toujours conflictuel des connaissances en accumulation permanente (le consensus n’est qu’un idéal théorique que seule la durabilité historique tranche du point de vue de leur « efficace », les situations sanitaires climatiques géopolitiques le montrent) et ce bien plus en lien avec ce qui « est » saisi des vertus par les mœurs à un certain « moment » que par la seule préférence cyclique et surtout générationnelle des humeurs et de leurs modes personnalisées[15].
Ainsi, le fait que les droits naturels aient été repris dans l’article deux de la DDHEC[16] et de la DUDH[17] et a été étendu jusqu’à modifier le statut de certaines minorités impliquent à la fois qu’il n’y a pas à opposer mécaniquement mais dialectiquement au sens positif (Hegel et Comte) et non pas négativiste (Marx et Lénine et leurs Suivants) vertus et mœurs. Ce qui implique le principe de conciliation du Politique (Politeia et Polis) qui ne peut considérer comme antinomiques le principe de Citoyenneté et le principe d’Humanité, mais plutôt les observer en une synergie qui peut être plus ou moins sinon « aboutie » du moins en « émergence » plutôt ici que là ; ce qui nécessite débats et controverses permanents (à l’instar de la controverse de Valladolid[18] toujours d’actualité).
Or, aujourd’hui, du fait d’une perte de considération théorique et pratique des notions de « critique » de « dogme » et « d’acquis » celles de citoyenneté et d’humanité sont elles aussi emportées dans ce démembrement que d’aucuns appellent faussement « déconstruction » alors que celle-ci avait seulement pour objet de revisiter (au dire d’Heidegger) et non de dissoudre négativement les fondamentaux pour les préserver consolider réajuster écarter refonder ou la définition elle-même du « travail du Négatif » (Hegel élève…d’Aristote)[19] par ses termes de critique (refonder) d’innovation (affiner) de dogme (préserver) et d’acquis (consolider) ce qui implique de poser autrement et de dissoudre aussi ce qui ne sied plus.
En adoptant cette méthode d’une dialectique non seulement logique et transcendantale mais toujours rationnelle[20] de type oligomorphique[21], il serait alors possible d’observer qu’aujourd’hui citoyenneté et humanité oscille entre excès logique d’ingérence ou en défaut rationnel d’empathie : ainsi aujourd’hui l’ingérence dite « rationnelle » pour « l’Ukraine » « les migrants » les « palestiniens », les « LGBTQI+ » s’avère être seulement d’apparence « logique » et plutôt sophiste en réalité puisque toutes les données ne sont pas « rationnellement » pesées d’une part, tandis que, d’autre part, cette dialectique en logique et rationalité (calcul réaliste et intentionnalité éthique) brille dans son absence chez les mêmes pour le Yémen l’Arménie les Ouighours, les Berbères et Kurdes sous domination arabe et turque ; l’empathie et l’ingérence pour Georges Floyd aux US, leur absence pour Lola et Ilan en France, ces crimes pourtant racistes et tout sauf « divers », montrent que la même engeance « byzantine » n’est pas déployée partout… Tout cela est connu. Ou le deux poids deux mesures, la loi du plus fort écrivant ainsi « en même temps » l’Histoire tout en prétendant en sortir…
Aussi les « mœurs » peuvent/doivent être aussi pensées comme ces acquis comportementaux cumulatifs s’affinant infiniment (ou la réelle définition du Progrès telle que la Modernité nous l’a léguée) et non pas seulement ces habitus indifférenciés ou automata cybernétique ; d’où l’idée d’une limite politique, façon blockchain également, à trouver dans l’Agora, pas seulement au sein de l’Olympe, entre « liberté individuelle » et « attentat aux mœurs » ou la liberté d’être ensemble…ou pas…
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INFORMATION : dorénavant (depuis le numéro 16, été 21…) et suite à de nombreuses demandes, DOGMA est enfin disponible en version papier, mais, pour le moment, uniquement sur le site d’Amazon.
[1] Hugo Grotius.
[2] https://reporterre.net/Football-Coupe-du-monde-au-Qatar-un-desastre-humain-et-ecologique
[3] https://www.cairn.info/revue-sociologie-2012-4-page-413.htm
[4] « L’obligation » dite « éthique » d’une sorte de floutage « moral » du « sexe » transformé en « genre » (clinique) aboutit à une numérisation bureaucratique indifférenciée telle celle de la parentalité (parent 1 parent 2…) de l’anatomie (greffe d’utérus, méthode ROPA) faisant fi de toute conation psychologique singulière (Joseph Nuttin, Théorie de la motivation humaine, 1980, PUF, p. 166) moteur de ce nouveau nihilisme voulant modifier les mœurs via la vertu d’une « justice » mystifiée au détriment de toute « prudence »….
[5] Telle que « la théorie critique de la race » qui réduit les rapports de pouvoir à des rapports de force racialement construits, évacuant les deux autres éléments du Pouvoir chez tout humain: le désir d’être reconnu, le prestige par la compétence atteinte, légitimant mais ne fondant pas la puissance…
[6] Ainsi un certain Noël Ignatiev militant pour l’abolition de la race blanche, ou Nikole Hannah-Jones tenant des propos alambiqués sur l’Allemagne nazie :
https://www.wsws.org/fr/articles/2019/11/28/1619-n28.html
[7] Prôné par Layla Saad contre « l’appropriation culturelle » un chapitre de son livre sur la « suprématie blanche »…
[8] Au sens de Soljenitsyne.
[9] Pour plus de précisions Éthique et épistémologie du nihilisme, les meurtriers du sens, L’Harmattan, 2002.
[10] D’où, peut-être, ce refus d’ouvrir le Panthéon français à Molière… Pas plus qu’à Descartes… Contrairement à cette autre Vulgate exposant « la » France comme « cartésienne »…
[11] D’où la protection des espèces menacées, mais aussi des paysages menacés par le technocratisme scientiste s’affairant « au nom de la Terre »…
[12] http://www.revueargument.ca/article/1998-10-01/72-ecographie-du-nationalisme-presentation-des-theses-de-liah-greenfeld.html
[13] Voir ici dans ce numéro la recension du livre d’Alain Falento faisant le bilan de « 30 ans après Maastricht » et intitulé Sortir de l’Europe.
[14] Ou comment selon Raymond Aron il s’agit de vivre en paix à l’intérieur et se concilier l’extérieur ou cette Sécurité Globale théorisée par Yves Roucaute ; un terme, la Politie, était cher également à Jean Baechler, il vient de « nous » quitter…
[15] D’où l’importance des analyses étudiant le poids symbolique des personnalités en tant que modèles exemples combinant précisément vertus et mœurs pour le meilleur comme pour le pire.
[16] https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789
[17] https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
[18] https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2006-1-page-7.htm2
[19] La statue nie la « nature » pleine du « marbre » qui la constitue (tout en ne le « sachant » pas) mais l’élève aussi en partie intégrante de la nature spirituelle propre à l’humain citoyen…
[20] La question du « sens » de « la » dialectique ne se situe pas seulement dans sa logique, formelle, entre être et néant, mais dans sa logique transcendantale, c’est-à-dire non seulement historique (Marx) ou intentionnelle (Husserl) mais rationnelle au sens d’articuler précisément logique et éthique, sciences morales et politiques : si a alors b si et seulement si a peut/doit aller vers b… Mais ce décidé dans l’Agora et non sur l’Olympe…
[21] S’appuyant sur un nombre limité de facteurs à la fois constitutifs et dynamiques au sens où ils ne font pas que composer dialectiquement ils s’interprètent également en chaque interaction…Voir ici Lucien Oulahbib La qualité comme quotidien, le travail pneumatologique dans l’interaction (2022, l’Harmattan).
CONTENT :
CITOYENNETÉ VERSUS HUMANITÉ ? LE DÉMEMBREMENT DES « MŒURS »
Par Dr. Lucien Samir Oulahbib, Dr. Isabelle Saillot
LE PÉRIPLE D’HANNON
Par Élodie Pérolini
LA PERFECTION DE LA TECHNIQUE, UN ITINÉRAIRE PHILOSOPHIQUE
Par Isabelle Grazioli
PHILOSOPHIE DES RELATIONS INTERNATIONALES.
LA PHILOSOPHIE DE « L’UNITÉ DU MONDE » II
Par David Cumin
RESEARCH APPROACH TO SUBCULTURE STUDIES
By Dr. Oleg Maltsev
ONG AMÉRICAINE, PROCHE DU PARTI DÉMOCRATE, IMPLIQUÉE DANS UN DOSSIER DE CRIME DE LÈSE HUMANITÉ EN AFRIQUE
Par Teresita Dussart
LA CHRONIQUE SCANDALEUSE OR SOMETHING’S ROTTEN IN THE GERMAN CULTURAL SECTOR
By Dr. Elvira Groezinger
LES AUTRES ET L’INGÉRENCE
Par Joseph Stroberg
LE NATURISME UNE VOIE VERS LA LIBERTÉ ?
Par Raphaëlle Mira
NATIONAL SUICIDE BY EDUCATION
By Philip Carl Salzman
LES PRONUCLÉAIRES SONT-ILS MASOCHISTES ?
Par Michel Gay
LE PARADOXE DE L’ÉNERGIE : AVANTAGES CERTAINS ET DANGERS ÉCOLOGIQUES DONT LE DÉGAGEMENT EST INCERTAIN
Par Abdelkader Bachta
FEMME, VIE, LIBERTÉ !
Par Jean-Pierre Lledo
LE CONDITIONNEMENT DES JEUNES COMME MARQUEUR FORT DE RÉGIME TOTALITAIRE
Par le docteur Nicole Delépine
SORTIR DE « L’EUROPE » OU DE « L’UE » ? ….
S.U.E ! AUX GLOBALISTES SECTAIRES ?
Par Lucien Samir Oulahbib
BARBARISM, OR THE TWO CORRUPTIONS OF PLEASURE
By Marco Andreacchio
FREEDOM IN A DETERMINISTIC UNIVERSE
by James H. Cumming
POISSONS DE PENSÉE LIBRE PÊCHÉS DANS L’OCÉAN MÉDIATIQUE
(Automne 2022)
Par Lucien Oulahbib
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